Pas d’explications pendant les cours de karaté !

(Par Shihan Kousaku Yokota – 8ème dan de karaté – ASAI – oct 2017)

Je suis sûr que le titre de cet article a pu vous paraître choquant, voire même agressif. Evidemment, je l’ai choisi pour m’assurer de votre complète attention sur ce qui va suivre. Je m’attends à avoir beaucoup de réactions négatives sur ce titre, mais laissez-moi tout de même une chance d’expliquer pourquoi je pense qu’il est mieux de ne pas donner d’explications pendant un cours de karaté.

Gichin Funakoshi Sensei

Si vous avez déjà eu l’occasion de suivre l’enseignement d’un sensei japonais, vous vous êtes certainement rendu compte qu’il ne donnait pas beaucoup d’explications. On pourrait croire que cela est principalement dû à un problème linguistique. Il est vrai que peu de sensei japonais maîtrisent parfaitement des langues comme le français, l’espagnol ou même l’anglais. Cependant, indépendamment de cela, j’insiste sur le fait que cette absence d’explications est une attitude générale aux instructeurs japonais. Je peux non seulement l’affirmer de par mon expérience de pratiquant et d’enseignant, mais aussi et surtout parce qu’il y a une raison parfaitement logique à cela.

Avant de rentrer dans le détail, je vous propose de nous intéresser à l’étymologie du mot japonais que nous traduisons par “apprendre”, manabe (学ぶ). shuhariL’origine de ce mot vient de manebu (まねぶ) qui signifie “imiter”. Donc, le fait d’apprendre, en japonais ancien, correspondait au fait d’imiter le professeur. C’est le point de départ de l’expression Shu Ha Ri (守破離) que nous utilisons fréquemment dans le domaine des arts martiaux. Sans aucun doute, beaucoup d’entre vous en connaissent déjà la signification : c’est la description du concept de progression par étapes, de l’apprentissage à la maîtrise.

Pour comprendre ce concept, je vous propose l’explication d’Endo Seishiro, instructeur d’Aikido :

Ueshiba

“Lorsque l’on s’entraîne, que l’on apprend quelque chose, nous passons par les étapes du Shu, du Ha et du Ri. Ces étapes s’expliquent de la manière suivante : dans la phase Shu, nous répétons les techniques créées par nos prédécesseurs et conditionnons notre corps à reproduire ces dernières. Nous restons fidèles à la forme telle qu’elle nous est présentée. Ensuite, vient la phase du Ha, lorsque nous avons acquis techniques et déplacements. Nous pouvons alors nous permettre d’innover. Dans ce processus, les techniques peuvent être décomposées, cassées et même laissées de côtés si besoin. Enfin, dans la phase du Ri, nous nous affranchissons totalement de la technique et nous ouvrons la porte de la créativité. Cela nous permet d’atteindre un stade où nous agissons en harmonie avec le cœur et l’esprit, sans contrainte et pourtant sans enfreindre les principes de notre art.”

C’est là le point-clé à retenir. L’idée générale est donc que lorsque vous êtes en train d’apprendre quelque chose, que vous êtes dans la phase du Shu, tout ce que vous devez faire c’est répéter et imiter. Autrement dit, vous devez répéter ce que vous présente votre professeur, sans réfléchir ou chercher à affirmer votre différence.

OssEn fait, c’est exactement ce que j’ai vécu lorsque j’ai commencé à apprendre le karaté, il y a une cinquantaine d’années. Je me souviens d’ailleurs qu’à l’époque, les élèves ne posaient jamais de questions ni à leur sensei, ni à leur senpai (les étudiants plus anciens). Je savais que je n’étais pas supposé poser de questions pendant l’entraînement. Sans rire, le seul mot que nous pouvions prononcer était « Oss » ! Si j’avais osé poser la moindre question sur une technique, un kata, le kumite ou quoi que ce soit d’autre, je n’aurais jamais obtenu de réponse. Au contraire, la seule chose qui m’aurait été répondue aurait tenu en une phrase sèche du style « garde les yeux ouverts », « soit plus attentifs » ou « entraîne-toi plus » !

Don't askSi j’avais une question qui me paraissait vraiment importante, je n’osais la poser qu’à de très rares occasions. Il fallait d’ailleurs choisir le bon moment et, dans tous les cas, c’était toujours après le cours. Si je voulais poser une question, j’attendais que nous allions au restaurant ou dans un café après l’entraînement. L’environnement était détendu et nous parlions de tout et de rien. J’essayais alors de glisser une question ou deux dans la conversation. Malgré tout, je me souviens que c’était horriblement difficile de poser une question technique à notre sensei. Même si les mœurs ont évolué au Japon depuis cette époque, je suis à peu près sûr que ce concept de base est toujours en vigueur.

J’imagine que cela vous paraît particulièrement difficile comme contexte pour apprendre. Vous avez à moitié raison, mais le fond du sujet est dans l’autre moitié ! Laissez-moi vous expliquer.

Pensez-vous que cette espèce de « barrière » entre les élèves et le professeur empêchait d’apprendre ou nous ralentissait dans notre progression ? Je suppose que c’est ce que la majorité des non-japonais pourraient penser. Si vous êtes professeur de karaté (ce qui, j’imagine, est le cas de certains d’entre vous), je suis sûr que vous essayez d’expliquer les point-clés des techniques que vous montrez à vos élèves, ainsi que beaucoup d’autres choses à propos du karaté. J’ai assisté à beaucoup de cours au Japon et en dehors et j’ai toujours constaté que les professeurs non-japonais dépensaient beaucoup d’énergie et d’efforts dans la communication verbale.

English problemLes professeurs japonais ont tendance à parler moins et à montrer plus. C’est effectivement en partie dû à leur difficulté à parler une autre langue que le japonais. Cependant, nous (les professeurs japonais) sommes souvent gênés de voir les non-japonais passer tant de temps, même si c’est avec beaucoup d’enthousiasme, à parler des aspects techniques, en particulier sur les sujets les plus complexes. Je précise que je n’ai surtout pas l’intention de critiquer ces professeurs autrement que de manière constructive. Mais j’ai toujours le sentiment qu’ils adorent s’entendre parler et montrer à tout le monde leur savoir. Toutes mes excuses si en disant cela j’offense certains d’entre vous, mais c’est vraiment ce que je ressens et je suis à peu près certain que c’est le sentiment qu’ont les autres professeurs japonais.

Oui, j’admets que les différences dans l’enseignement sont liées aux différences culturelles. Clairement, la plupart des professeurs japonais pensent que donner trop d’explications nuit à l’apprentissage. Comme je l’ai déjà dit, beaucoup d’entre eux ne maîtrisent pas de langues étrangères, mais cette idée reste en vigueur même lorsqu’il n’y a pas de difficulté linguistique. C’est probablement un mystère pour vous, lecteur, de constater que les sensei japonais ne croient pas beaucoup au pouvoir de l’explication. Vous l’aviez peut-être déjà remarqué, mais vous ne saviez sans doute pas pourquoi, ou vous vous étiez dit que cela devait être dû à la barrière de la langue.

Menons l’enquête ensemble pour comprendre pourquoi les professeurs japonais préfèrent donner moins d’explications. Avant tout, sachez que la raison la plus importante à cela est effectivement culturelle. Croyez-le ou pas mais nous, les japonais, ne valorisons pas autant que vous la communication verbale quand il s’agit d’apprendre quelque chose, tout particulièrement si cela implique une compétence technique ou physique. Cela est dû au fait que les japonais considèrent les mots comme imparfaits et incapables de décrire quoi que ce soit dans son intégralité et avec précision.

no logicPar ailleurs, aussi choquant que cela puisse paraître à un public occidental, nous ne croyons pas tant que ça à la logique. Nous évitons les gens qui cherchent systématiquement à argumenter. D’ailleurs, avez-vous remarqué que la plupart des japonais ne sont pas très à l’aise dans les discours et les présentations ? A l’école, on ne nous a jamais appris à nous exprimer avec éloquence. Plaisanter avec les élèves pendant un cours de karaté est pratiquement inconcevable pour nous et impossible à faire pour un sensei japonais (à l’exception de ceux qui ont déjà vécu hors du Japon).

no jokesNous considérons qu’il est irréaliste, voire pratiquement impossible, de donner à l’oral une explication exhaustive sur quelque chose de physique, donc qui se produit dans votre corps et qui est, par nature, très personnelle. Le professeur considère donc que l’élève doit justement apprendre physiquement, avec son propre corps, en répétant des milliers de fois la technique. En d’autres termes, l’élève doit ressentir la technique et la comprendre avec son corps.

Les instructeurs japonais d’arts martiaux donnent donc peu d’explications car ils considèrent que le temps passer à parler est du temps qui n’est pas passé à pratiquer et que, par conséquent, ce n’est pas bon pour l’élève, aussi bien techniquement que mentalement. Les japonais valorisant moins la réflexion, ils vous encourageront à bouger plus et à répéter les techniques.

En outre, ces professeurs ne s’attendent pas à ce que les élèves comprennent immédiatement les techniques de karaté ou les concepts de kata, de kumite, de bunkai, etc… Ils considèrent donc cette phase de répétition, d’imitation, comme une étape nécessaire dans l’apprentissage.

Prenez maintenant le cas d’un professeur qui passerait beaucoup de temps et investirait beaucoup de son énergie à expliquer quelque chose de très complexe, comme le ki, les techniques de respiration, gamaku, muchimi, etc… Ses élèves atteindraient tout de même un certain niveau de compréhension de ces sujets. Alors où serait le problème ? Si les élèves apprennent quelque chose, alors le professeur n’aurait-il pas fait correctement son travail ? Oui, c’est bien comme cela que ce serait perçu en occident.

Au Japon, les professeurs considèrent que même si un élève pourrait dans ce cas avoir le sentiment d’avoir appris quelque chose, cela ne serait que partiel. En fait, l’élève serait incapable d’appliquer ce « quelque chose » même en considérant l’avoir compris. Cette compréhension purement mentale est même considérée comme dangereuse par les japonais, car elle exclut la compréhension physique dans la plupart des cas. Nous, japonais, avons toujours peur que l’élève ne soit pas prêt à appréhender une nouvelle technique et qu’une compréhension « prématurée » du sujet risque seulement de nuire au développement naturel de ses compétences en karaté.

Prenons un autre exemple simple : la natation. Il s’agit là également d’une compétence acquise. Vous ne saurez pas nager sans un apprentissage préalable, en particulier si vous vous essayez à une nage comme la brasse papillon ! Prenons un élève qui serait débutant au point de ne pas savoir comment flotter dans l’eau ou qui aurait peur de mettre la tête sous l’eau. Il est tellement impressionné par Michael Phelps qu’il veut absolument que son professeur lui apprenne à nager comme son idole. Michael PhelpsEvidemment, personne ne voudrait aller contre l’enthousiasme et la motivation d’un tel élève. Cependant, un professeur japonais n’utiliserait pas son temps à tenter d’expliquer comment battre des jambes comme un dauphin de concert avec les mouvements de bras de la brasse papillon. Il dirait à son élève quelque chose comme « oui, Phelps est très doué ! Mais je t’enseignerai les battements de jambes uniquement lorsque tu auras appris à flotter dans l’eau ! ». De fait, l’élève, lorsqu’il saura flotter, se rendra sans doute compte qu’il devra également apprendre d’autres choses importantes, comme retenir son souffle quand il met la tête sous l’eau, etc…

Comme vous le savez déjà, apprendre les techniques de karaté est encore plus exigeant sur le plan physique et mental. Dans l’eau, tant que vous savez flotter, vous pouvez survivre, même si vous ne maîtrisez pas la brasse papillon ! Cependant, dans une situation où il est question de vie ou de mort, ou dans un combat de rue, l’incapacité à pratiquer une technique peut vous causer une blessure sérieuse ou même signifier votre mort.

Comme je l’ai déjà mentionné, les japonais ne se fient pas beaucoup à la compréhension orale et à la communication lorsqu’il s’agit d’apprendre une compétence. Nous valorisons plutôt la compréhension physique. sushi chefC’est précisément pour cela que les professeurs japonais demandent avant tout à leurs élèves de bien observer les techniques et de les imiter le plus possible. Vous pourrez constater cela non seulement dans le karaté ou dans d’autres arts martiaux, mais aussi plus largement dans l’apprentissage d’autres arts : la cuisine, la calligraphie, l’étude du zen, la maçonnerie, etc… Si vous devenez l’apprenti d’un maître charpentier au Japon, celui-ci ne vous apprendra aucune compétence dans son domaine, si ce n’est après plusieurs années, et encore. Votre travail sera de l’observer et de lui « voler » ses compétences. Le même principe s’applique à la réalisation des sushis. Pourquoi un sushi est-il meilleur au Japon ? Ce n’est pas à cause de la qualité du riz ou du poisson. C’est parce que le chef qui le prépare a été formé correctement pendant de nombreuses années avant qu’il puisse commencer à préparer et à servir des plats à des clients.

UnsuiUn autre bon exemple sont les monastères zen dans lesquels s’entraînent les moines, sur la base d’un planning quotidien très strict (du moins du point de vue d’un observateur extérieur). En premier lieu, les candidats doivent demander à être admis dans le temple en attendant à l’entrée dans une position semi-assise.

Cette épreuve est appelée Niwazume (庭詰), ce qui signifie littéralement « rester dans le jardin ». Tôt le matin, le postulant doit arriver à la porte du temple zen qu’il souhaite rejoindre. UnsuiIl lui faut rester là, à moitié assis, en s’inclinant pour montrer son désir d’intégrer la communauté. Il devra garder cette position 9 ou 10 heures pendant la journée. Durant cette période, les moines du temple lui demanderont de partir. Parfois même, ils traîneront le candidat (doucement tout de même) pour l’éloigner de la porte du temple. Cela fait partie du rituel à observer jusqu’au bout si le postulant est motivé à rejoindre le temple pour devenir moine. Il lui faudra persévérer pour être admis. A la fin de la journée, épuisé, il sera autorisé à entrer pour dîner et passer la nuit au temple. Mais cela ne voudra pas dire pour autant qu’il sera admis au sein de la communauté. Le jour suivant, il devra recommencer à attendre à l’entrée du temple, à partir de 4 ou 5 heures du matin ! Ce cérémonial exigeant, un test de patience, pourra durer deux ou trois jours !

Ce n’est là, cependant, que la première étape de l’examen d’entrée. Si le candidat peut tenir pendant ces quelques jours d’attente à la porte du monastère, les moines l’inviteront à montrer son intérêt à rejoindre le temple en s’asseyant pour une séance de méditation zen qui durera toute la journée (environ 12 heures). Ce second test s’étendra sur une semaine.

Après ces deux épreuves, le postulant pourra finalement être admis au sein du temple comme disciple permanent. A partir de là, il commencera à mener la vie d’un moine zen, rythmée par la méditation et le travail dans et autour du temple.

Voici un exemple de planning quotidien typique du Sogenji de la préfecture d’Okayama :

3:40                 LeverZen
4:00                 Service du matin (lecture des sutras)
5:00                 Zazen (méditation)
7:00                 Petit-déjeuner
8:00                 Niten Soji (nettoyage du temple)
8:30                 Samu (entretien du temple)
10:00               ZazenZen meditation
12:00               Déjeuner
1:00 – 2:00      Bain (1er groupe)
2:00 – 4:00      Samu (entretien du jardin)
4:00 – 5:00      Bain (2ème groupe)
5:00                 Dîner
6:00                 Zazen
9:00                 Kaichin (extinction des feux)

Alors que je suis en train d’écrire sur l’enseignement du karaté, je viens de passer un certain temps à vous parler des règles de vie d’un monastère zen. Cela avait pour but de vous montrer à quel point les moines accordent plus d’importance aux actes qu’aux mots. Comme vous le savez peut-être, le zen est une religion dans laquelle ses pratiquants recherchent l’illumination. Pendant les heures passées à méditer, le moine va essayer d’atteindre un état de conscience qui le mènera à cette illumination. Cependant, il sera confronté à de nombreuses questions, telles que « qui suis-je ? », « quel est le but de ma vie ? », « comme puis-je atteindre l’illumination ? », « pourquoi le bien et le mal existent-ils en ce monde ? », etc… Le maître du monastère est censé avoir atteint lui-même l’illumination pour que le disciple à la recherche de réponses puisse lui poser ces questions. Or, le maître ne lui expliquera jamais rien. Il n’essaiera même pas. Il répondra juste « ne pense pas » ou « met-toi au travail ». En fait, il demandera à son disciple de faire des choses, le décourageant par là-même de penser. Pendant la méditation zen, un moine est censé vider son esprit, mais il s’agit là de quelque chose de très difficile à accomplir. Pourtant, en restant tout simplement assis pendant des heures, il apprend comment y parvenir. Il peut percevoir l’illumination alors qu’il travaille dans le jardin, qu’il nettoie le hall du temple, qu’il récite un sutra, etc… bref, bien plus que lorsqu’il réfléchit pendant une période de méditation !

Ces exemples visent à expliquer à quel point les professeurs japonais de karaté privilégient une approche basée sur la démonstration des techniques par l’usage de leur propre corps à une approche basée sur la parole. Vous pourrez d’ailleurs constater cette tendance dans l’apprentissage d’autres arts martiaux au Japon, tels que le kenjutsu, le iaido, le kyudo, l’aikido, etc…

Shut up and trainPour finir, nous devons prendre en compte le fait que la maîtrise du karaté (pas uniquement les techniques, mais sa structure complète et le système propre à l’art de combat de la main vide) requiert la mise en œuvre de compétences physiques parmi les plus difficiles à acquérir. Vous avez le droit de ne pas être d’accord avec cette affirmation, mais elle peut théoriquement être démontrée comme étant correcte et judicieuse. Ainsi, les professeurs japonais pensent qu’il est impossible d’expliquer les principes techniques les plus difficiles, par conséquent, ils diront aux élèves de pratiquer plus !

Mais alors, cette approche qui consiste à ne rien expliquer est-elle meilleure que celle généralement pratiquée en occident ? Une réponse simple consisterait à dire « ça dépend » ! Je crois que le fait de ne pas expliquer peut effectivement constituer une excuse pour un japonais afin de cacher son ignorance ou son manque de connaissance selon les cas. S’il devait faire face à toutes sortes de questions, le professeur se verrait obligé d’étudier et d’apprendre encore plus. Donc, d’un certain point de vue, j’aime assez la méthode occidentale !

HigaonnaD’un autre côté, la maîtrise du karaté se construit graduellement, par étapes successives, rythmées par une progression lente. En d’autres termes, franchir une étape à la fois implique l’entraînement, le conditionnement de votre corps. Comprendre ou croire que vous avez compris une technique reste totalement différent du fait d’être capable de réaliser ladite technique. La compréhension véritable viendra naturellement après avoir répété la technique des milliers de fois. Essayer de comprendre ces choses par la réflexion, sans attendre le moment propice à leur compréhension véritable, non seulement risque de vous mener uniquement à une autosatisfaction futile, mais peut aussi s’avérer préjudiciable à un apprentissage réussi du karaté.

Un effet similaire peut être perçu lorsqu’un élève apprend un kata avancé, avant d’avoir le niveau de pratique requis. Ainsi ai-je vu un karateka portant une ceinture marron réaliser Unsu lors d’une compétition. Le professeur de cet élève devrait être blâmé pour cela, car la pédagogie est sa responsabilité. Nous devons garder à l’esprit que la progression en karaté est comme la construction d’une maison : si les fondations ou les murs sont fragiles, la maison ne pourra jamais résister à un tremblement de terre ou à une tempête. Une vie d’entraînement de karaté pourrait même être comparée, dans ce cas, à la construction d’un immeuble de 50 étages ou plus : l’importance de solides fondations et d’une structure robuste en deviennent encore plus critique.

Conclusion :

Lorsque l’on enseigne le karaté en occident, il est important et même nécessaire d’inclure quelques explications à l’oral. L’entraînement de karaté doit être véritablement physique mais, dans le même temps, la réflexion doit être encouragée.

Asai teachingEn revanche, les professeurs doivent être attentifs à la quantité d’explications qui est nécessaire et appropriée. Trop de détails risqueraient non seulement de consommer beaucoup d’un temps d’entraînement qui est très précieux, mais pourraient aussi nuire aux élèves qui ne sont pas prêts mentalement et/ou physiquement à les intégrer. Cela peut être le cas lorsqu’un professeur apprend un kata destiné à des ceintures noires à des ceintures de couleur ou lorsqu’il fait pratiquer le jyu kumite (combat libre) à un débutant.

Le niveau d’un professeur de karaté ne devrait jamais être déterminé seulement par ses qualités techniques, mais aussi par ses qualités pédagogiques qui incluent le fait de savoir quelle quantité d’explications est nécessaire. En tout cas, c’est ce que je crois. Qu’en pensez-vous ?

(Note d’Antonio : je tiens à remercier chaleureusement Shihan Kousaku Yokota pour m’avoir autorisé la traduction et la publication de son article sur notre blog)

Traduit par David Patin

Auteur de l'article

Antonio Guerrero
Professeur de Karate
6ème Dan - BEES 2
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